
Blogue Fondation des artistes : Un siècle de culture avec Janette Bertrand
Femme de lettres, de coeur et de combats, Janette Bertrand est l’une des figures les plus respectées et admirées du Québec. Depuis les années 1950, elle a marqué la radio, la télévision, le théâtre et la littérature en abordant avec justesse des sujets longtemps considérés tabous, comme la condition féminine, la violence conjugale, l’homosexualité ou le sida.
Dès ses débuts en duo avec son mari Jean Lajeunesse, puis en solo avec des émissions marquantes comme Parler pour parler, Parle, parle, jase, jase ou Avec un grand A, elle a su faire entrer les réalités humaines dans les foyers québécois, contribuant à faire évoluer les mentalités.
Autrice de plus de vingt ouvrages, Janette Bertrand s’est imposée comme une communicatrice hors pair, capable de confronter les normes avec bienveillance. Son héritage culturel et social, guidé par une profonde empathie, inspire encore aujourd’hui des générations d’artistes et de citoyens.
Nous nous sommes entretenus avec elle, au lendemain de son 100e anniversaire.
Une pionnière de la culture québécoise
Mme Bertrand, quelles sont les valeurs qui ont guidé votre carrière et votre vie?
« J’ai toujours voulu prouver à mon père qu’une fille, ça valait un gars. C’est tout. Il est mort depuis longtemps, mais je lui prouve encore, jour après jour. « Tu vois papa, ça valait le coup de me faire instruire. » Une fille, ça vaut un gars. Point. J’ai gagné mon pari. (rires) »

Vous avez reçu plusieurs distinctions pour votre contribution au milieu artistique, dont l’Ordre national du Québec. Quel a été le moment où vous avez ressenti le plus fortement l’impact de votre travail sur la culture québécoise?
« Vous savez, j’ai été méprisée, critiquée de nombreuses années. Quand on est artiste, on est toujours sur un fil de fer. Quand on tombe, certains pleurent, d’autres applaudissent.
Ce n’est que récemment que j’ai pris conscience de mon impact. Il ne faut surtout pas penser que j’ai vogué de nuage en nuage; j’ai eu beaucoup d’échecs. Mais je suis la preuve que tomber ne fait pas disparaître la passion. Elle reste bien vivante, nourrie par le public.
On s’est beaucoup moqué de La Poune qui disait « J’aime mon public ». Mais elle avait pourtant raison: sans public, on n’est rien. Est-ce qu’une œuvre existe si personne n’est là pour la voir, l’entendre, l’admirer? C’est le public qui décide. Et moi, une belle part du public a décidé, il y a très longtemps, qu’il m’aimait. Mais si je fais quelque chose qui n’est pas à leur goût, ils me disent. Les femmes n’ont pas droit à l’erreur, on pardonne davantage aux garçons. »
Janette et la culture : une vie dédiée à la création et au progrès
Vous avez traversé plusieurs époques du paysage médiatique québécois, en tant que journaliste, animatrice, scénariste et écrivaine. À quel moment avez-vous pris conscience de la puissance de la culture pour faire évoluer les mentalités?
« Très vite, j’ai compris qu’il fallait se servir des médias pour communiquer avec les gens. J’ai commencé par la radio puis quand la télévision est arrivée en 1952, je me suis dit « Ah, ça c’est mon média à moi! ». J’ai écrit une émission qui s’appelait Toi et moi – qui est un peu l’ancêtre d’Un gars, une fille – qui a duré six ans. Je jouais dedans et mon mari aussi. Je souhaitais montrer le quotidien d’une jeune femme qui voulait autre chose que rester à la maison.
Pour moi, la télévision est un lieu de partage idéal. On entre dans les chambres à coucher, on entre partout. »
À travers des émissions comme L’amour avec un grand A, vous avez ouvert la discussion sur des sujets encore tabous à l’époque. Pensez-vous que les artistes ont une responsabilité sociale?
«Oui. Tant qu’à avoir une tribune, transmettons des valeurs qui nous tiennent à cœur.
Je crois qu’on ne peut pas faire de télévision, de théâtre, d’art sans espérer faire découvrir, faire rayonner, faire avancer quelque chose.
De l’époque de Molière jusqu’à aujourd’hui, je vois les artistes comme des reflets de la société. »
Honorer un siècle de culture: inspirer les générations futures
À 100 ans, vous continuez d’inspirer des générations entières – les jeunes féministes, Léa Clermont-Dion, notamment. Quel est votre secret pour maintenir cette passion et cette énergie créative?
« Il n’y a pas d’âge entre Léa et moi, c’est ça qui est beau. J’ai peut-être plus d’expérience qu’elle mais elle a plus d’instruction que moi. On a beaucoup à s’apporter l’une l’autre.
Être pertinent, à tout âge, c’est un effort quotidien. Il faut écouter les jeunes, s’intéresser à eux. Les juger parce qu’on ne les comprend pas ne mène nulle part.
Il faut s’ adapter et se souvenir qu’on a été jeunes nous aussi – et qu’on n’aimait pas les vieux de 60 ans (rires). Parce que oui, j’ai déjà cru que 60 ans, c’était vieux. »
Comment percevez-vous la contribution que vous léguez aux artistes, aux femmes, tout particulièrement?
« Je repense à la série Quelle famille! [diffusé entre 1969-1974 à Radio-Canada], que j’ai écrite et dans laquelle j’ai joué. Mon mari s’était aperçu que l’actrice qui jouait ma mère était moins payée que nous, alors nous nous sommes battus pour qu’elle touche le même cachet. C’était courant que les femmes, surtout les plus âgées, soient sous-payées.
Heureusement, l’Union des artistes a beaucoup accompli pour faire respecter nos droits. Dès 1952, elle m’a soutenue. À l’époque, des producteurs nous demandaient souvent de travailler gratuitement. Je suis très fière d’appartenir à l’UDA. »

L’avenir de la culture selon Janette Bertrand
Quels messages aimeriez-vous transmettre à une personne qui hésite à soutenir les arts et la culture?
« Les artistes sont trop souvent tenus pour acquis et pas toujours pris au sérieux.
Quand ma fille Dominique était petite, quelqu’un lui avait demandé « Que fait ton papa? ». Elle avait répondu: « Il joue ». Malheureusement, jouer n’est pas toujours perçu comme un vrai métier. Le travail a longtemps été perçu comme une punition divine, alors jouer à la comédie, ce n’était pas “travailler”.
Cette mentalité laisse encore des traces.
Je dirais également que la culture est essentielle. Les artistes nous donnent de l’air frais. Ils nous offrent de quoi respirer.
Quand tu vas voir une bonne pièce de théâtre, une exposition percutante ou un concert émouvant, tu oublies pendant une heure et demie ce qui va mal dans le monde. Pendant une heure et demie, tu n’as pas eu peur, tu as été dans un autre monde. C’est précieux et c’est tenu pour acquis.
On doit être fiers de nos artistes et surtout, les encourager à continuer. Nous devons faire en sorte qu’ils puissent vivre de leur métier.
C’est pour tout ça qu’il faut soutenir la culture. Pour continuer à respirer. »
Et si vous pouviez transmettre un message aux futures générations de créateurs, que leur diriez-vous?
« Être artiste, ce n’est pas toujours payant en argent, mais c’est riche en gratitude. Les artistes font rire, pleurer, réfléchir. C’est un métier difficile. Il faut s’accrocher. »
En terminant, quel serait votre plus grand souhait pour la culture québécoise?
«Notre culture est tellement riche, tellement belle, tellement créative.
On est vraiment bons, il faut se le dire. On se compare souvent aux États- Unis, mais avec beaucoup moins d’argent, on fait des miracles. »
L’écho de Janette : Soutenir ceux qui nous font vibrer
Comme le souligne si bien Janette, les artistes sont essentiels à notre société. Ils sont le reflet de notre humanité, nous offrent des perspectives nouvelles, nous font rire, pleurer et réfléchir. Pourtant, leur contribution est trop souvent tenue pour acquise et leur métier exercé dans des conditions précaires.
À l’image de l’engagement indéfectible de Janette Bertrand, figure emblématique qui a façonné notre culture, vous pouvez, vous aussi, faire une différence concrète en donnant à la Fondation. Pour que la culture québécoise continue de s’épanouir, pour que les artistes puissent continuer à créer ces moments précieux qui nous font vibrer et aident à mieux comprendre l’humanité, ils ont besoin de notre soutien.
Si, comme Janette, vous croyez au souffle essentiel de la culture, donnez à la Fondation des artistes. Ensemble, perpétuons l’héritage inspirant de figures comme Janette Bertrand en assurant un avenir florissant pour les artistes du Québec.
Offrez-leur les moyens de continuer à créer, à nous émouvoir, à nous faire réfléchir.
Votre don fera la différence. Soutenez les artistes du Québec.
À propos de la Fondation des artistes
La Fondation des artistes du Québec est un organisme sans but lucratif qui procure une aide financière ponctuelle aux artistes d’ici et de toutes les disciplines. Elle permet aux artistes professionnels de vivre dignement et de pratiquer leur métier choisit. Soutenir la Fondation, c’est jouer un premier rôle au sein d’une communauté fortement mobilisée ayant à cœur la culture d’ici.
Pour les demandes des médias, veuillez contacter :
Evelyne Boisvert, Gestionnaire du développement philanthropique et des communications, eboisvert@fondationdesartistes.ca